Extraits de l’émission :
Aurélie Godefroy : Nous allons nous intéresser aujourd’hui à l’une des plus anciennes traditions du bouddhisme, celle des moines de la forêt. Longtemps réputée pour son austérité, elle souffre aujourd’hui encore d’une certaine méconnaissance. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’y consacrer cette émission. En quoi consiste cette tradition ? Quelles sont ses sources ? Comment la pratique-t-on en Occident ? Nous accueillons tout de suite pour en parler le Vénérable Nyanadharo, responsable du monastère de Thonon sur Rhône. Mais je vous propose de commencer cette émission en nous rendant dans ce monastère de Tournon, qui vient de fêter ses trente ans. C’était le 7 juillet dernier et nous y étions.
(Documentaire d’Aurélie Godefroy)
A.G. : Vénérable, on voit à la fin de ce reportage, Jeanine Boitel, qui est à vos côtés depuis le début, très émue. Qu’est ce que cela vous inspire ? La naissance de ce monastère est une belle aventure ?
Vénérable Nyanadharo : Souhaitons que cela dure encore longtemps, car Jeanine est un peu âgée. Elle peut être un bon exemple pour les générations suivantes qui s’intéressent au bouddhisme.
A.G. : Justement revenons un peu sur l’histoire de ce monastère de Thonon sur Rhône. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment il est né ? Comment a-t-il été fondé ?
Vénérable Nyanadharo : A mon arrivée en France, en 1975, j’ai échoué à Paris en tant que réfugié politique. J’étais seul, avec beaucoup d’adresses, qui se sont révélées inutiles. Je n’ai pas pu trouver d’abri pour me loger. Je me suis retrouvé avec les clochards, sous les ponts, dans les bouches de métro, dans des boîtes de carton, mais sous leur protection. Ils m’ont assuré une inoubliable période, pendant mon séjour à Paris.
A.G. : C’était d’ailleurs un système de donnant-donnant ? Vous gardiez les bouteilles de vin, d’après ce dont je me souviens, et en échange, ils vous protégeaient ?
Vénérable Nyanadharo : Oui, je suis devenu barman pour eux, parce qu’ils savaient que je ne bois pas. En échange, ils me procuraient de la nourriture. C’était une façon de prouver qu’un moine de la forêt peut survivre dans la jungle de Paris, avec des clochards.
A.G. : A cette même période arrive votre deuxième maître, * en Europe. En fait, c’est un concours de circonstances qui lui fait déposer des reliques dans ce monastère de Tournon. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui s’est passé ?
Vénérable Nyanadharo : Normalement, j’aurais du rester dans la rue avec les clochards. Mais le centre d’études bouddhiques à Grenoble a appris ma situation. On m’a fait venir à Grenoble et j’ai pu rester dans la forêt de Monchardon, dans le Vercors, pendant presque une année, avant l’arrivée des lamas tibétains. C’était insupportable, car je viens de l’Asie, où il fait chaud et là, la température atteint parfois - 19°, -20°. Aussi une laïc française a trouvé une propriétaire à Tournon qui a offert son domaine aux moines de la forêt. Nous sommes arrivés à Tournon en 1977 et, coïncidence, à la même époque, mon deuxième maître, le plus célèbre maître de la forêt, est venu en Occident. Il a consacré le monastère en lui donnant des reliques ainsi qu’un nom.
A.G. : Il faut préciser que ces reliques étaient destinées au départ à un monastère en Angleterre, mais qu’en fait il n’a pas pu les déposer en Angleterre. Comme un maître ne peut pas revenir dans son monastère avec les reliques, il les a remises au monastère de Tournon. C’est ce qui s’est passé ?
Vénérable Nyanadharo : Les reliques sont arrivées à Tournon, un peu comme moi à Paris, par choix et par accident, comme un symbole qu’il fallait implanter cette tradition ici, en France.
A.G. : On l’a vu dans le reportage : de nombreux laïcs se rendent dans ce monastère de Tournon. Quelle est l’activité précise du monastère aujourd’hui ?
Vénérable Nyanadharo : Le premier dimanche de chaque mois, il y a une journée d’initiation pour les néophytes, pour ceux qui veulent apprendre à méditer. Et puis, une fois par mois, nous organisons une session de W E, quelquefois trois, quatre jours, cela dépend des périodes de vacances ou des fériés. Pendant l’été, on organise une session plus longue, pour une semaine, dix jours, pour venir méditer plus longtemps au monastère.
A.G. : D’après vous, qu’est ce que ces gens viennent chercher au monastère ?
Vénérable Nyanadharo : Peut-être à notre époque, y a-t-il un engouement pour l’exotisme. Le bouddhisme fait partie de cet exotisme, de cette curiosité culturelle. Ou, peut-être, c’est une chose plus profonde que cette mode.
A.G. : Un réel intérêt justement pour cette tradition de la forêt ? Pouvez-vous nous expliquer dans quelles circonstances cette tradition est née ?
Vénérable Nyanadharo : Cela remonte au Maha Kasspa, le premier maître de la forêt, le premier disciple du Bouddha, qui est parti dans la forêt pour chercher le Parfait éveil. Et c’est le premier patriarche, après l’extinction du Bouddha, qui est reconnu dans toutes les écoles, dans toutes les branches du bouddhisme comme le premier qui dirige le concile. C’est comme ça que la tradition de la forêt s’est établie, depuis le temps du Bouddha. Et dans les événements majeurs, en 1954,56 a eu lieu le sixième concile qui s’est tenu à Rangoun en Birmanie.
A.G. : Quelle est la particularité de cette tradition de la forêt ?
Vénérable Nyanadharo : Mahasi Sayadaw est venu en Occident en 1979 pour enseigner le Vipassana et l’adapter à l’époque moderne. Concentration, calme mental, c’est la tradition des moines de la forêt Ces moines sont choisis parmi les éléments. Ils s’enferment avec meurs maîtres pendant un certain laps de temps et quand ils sont prêts, les maîtres les envoient dans la forêt pour faire la dernière épreuve.
A.G. : On comprend que le rôle du maître est essentiel dans cette tradition. Est-ce qu’on peut revenir un instant sur les règles qui régissent également cette école des moines de la forêt ? Combien y a-t-il de règles ?
Vénérable Nyanadharo : Déjà, à la base, il y a 227 règles monastiques et, en plus, les moines de la forêt doivent en rajouter 13, dont une consiste à ne pas s’allonger et surtout ne pas s’endormir pendant les jours d’observance qui sont calés sur les différentes phases de la lune. Cela sert à maîtriser le sommeil et l’éveil. Tous les moines de la forêt doivent maîtriser leur état d’éveil.
A.G. : Ils doivent avoir aussi des connaissances particulières ? Je pense notamment à la médecine ?
Vénérable Nyanadharo : Ils doivent déjà avoir la connaissance des plantes. Ils prennent des bains de sauna et leurs robes sont teintées avec des plantes. C’est l’odeur des plantes de leurs robes qui les protége dans la forêt. Leurs connaissances leur permettent d’être en parfaite harmonie avec la faune et la flore et il faut survivre avec les éléments hostiles. Ils sont obligés aussi de devenir végétariens, pendant cette période dans la forêt.
A.G. : On a bien compris, à travers ce que vous venez de nous dire, que les moines de la forêt ont des conditions de vie très particulières. Mais on voit aussi que le monastère de Tournon accueille beaucoup d’Occidentaux. J’aimerais, pour finir cette émission, que vous nous disiez pourquoi ce monastère suscite un tel intérêt, notamment en Europe d’ailleurs ?
Vénérable Nyanadharo : C’est l’origine de toutes les traditions, depuis le temps du Bouddha, depuis le premier patriarche, les moines doivent passer par l’épreuve de la forêt. Dans toutes les traditions Mahayana, comme tous les patriarches de Chine ou du Japon, comme dans le Vajrayana tibétain, les moines de la forêt sont des moines errants, des moines ermites qui demeurent dans la forêt ou dans les ruines, pour tester leurs capacités de traverser le samsara, de passer le plus loin de l’éveil, dans l’état de Bouddha, avant de revenir dans la cité, dans le monde.
A.G. : Et c’est ce qu’essayent de faire les gens qui viennent en retraite chez vous au monastère de Tournon ?
Vénérable Nyanadharo : Pour remonter à la source.
A.G. : Très bien. Je vous remercie infiniment d’avoir accepter cette invitation.
Remerciements à Madame de Mareuil pour sa précieuse collaboration à la rédaction de la transcription de l’émission.
Livres présentés lors de l’émission :
Le Collier du Bodhisattva

Editions : Kailash Editions
ISBN : 2842681614
Le sage lama Lobsang se voit confier par le Dalaï Lama la tâche de choisir entre deux enfants lequel est bien la réincarnation de l’abbé décédé d’un monastère de Thibétains exilés en Inde. Le vieux lama va appeler à son secours la jeune ethnologue française Betty Bloch, dont le courage et la perspicacité vont à nouveau faire merveille. Car l’affaire est très délicate : l’un des deux enfants n’est autre que le candidat… du Parti Communiste chinois ! Le choix recouvre en fait des enjeux politiques considérables. Meurtres, coups-bas et manipulations se succèdent pour la possession d’un étrange collier tibétain, qui est la clé de la décision ; une décision finalement surprenante, très différente de ce qui avait été imaginé…
La Sagesse du Bouddha

Editions : Gallimard Editions
ISBN : 2070532623
Édition : Collection Découvertes n° 194
Jean Boisselier, indianiste et historien de l’art, déroule la vie de Siddhârta Gautama, le Bouddha, Celui qui voulut libérer les hommes et dont la doctrine éclaire aujourd’hui près de la moitié de l’humanité.
Bouddhisme - Introduction aux principes et à la pratique du Bouddhisme

Editions : Soline Editions
ISBN : 2876774291
Une encyclopédie de la sagesse bouddhiste claire, élégante et utile. Accessible et plein de charme, ce livre est un livre authentique, généreux et intelligent. Il s’adresse à tous et à toutes.