Émission diffusée le 15 juin 2008

Extraits de l’émission :

Aurélie Godefroy : J’ai le plaisir d’accueillir aujourd’hui la Vénérable Elisabeth Drukier, nonne de la tradition du bouddhisme tibétain. Elle est à la fois enseignante du Dharma et responsable de centres à Paris, l’occasion pour nous de découvrir le parcours d’une femme Occidentale, de sa rencontre avec le bouddhisme à son investissement aujourd’hui en France.

Elisabeth Drukier, bonjour. Vous avez rencontré le bouddhisme, il y a une trentaine d’années. Vous êtes nonne dans la tradition guélougpa. Vous êtes une disciple de Lama Zopa Rimpoché. Vous enseignez et êtes responsable de centres à Paris et on peut aussi signaler que vous vous rendez fréquemment à Dharamsala pour suivre les enseignements de Sa Sainteté le Dalaï Lama. Merci beaucoup d’être avec nous. Pour commencer, j’aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur votre rencontre avec le bouddhisme. Dans quelles circonstances est ce que cela s’est passé ?

Elisabeth Drukier : C’était en 1974. C’était encore le temps des hippies. Et au cours d’un voyage au Népal, j’ai entendu parler du monastère de Kopan qui donnait un cours de méditation. C’était près de Katmandou. Donc j’y suis allée par curiosité. Quand je suis arrivée dans ce monastère, j’ai vraiment ressenti que je rentrais chez moi.

A.G. : C’était une sorte d’appel en quelque sorte ?

Elisabeth Drukier : Oui et j’y suis restée cinq ans. J’ai pris l’ordination assez rapidement, auprès de mes maîtres. Je vivais dans une communauté monastique d’Occidentaux et j’ai pu faire là-bas également de longues retraites. Puis, au bout d’un certain temps, mes maîtres m’ont dit de rentrer en Occident et là, j’ai vu qu’il manquait d’endroits propices pour que les Occidentaux puissent pratiquer le Dharma. Donc j’ai eu à cœur de créer un environnement plus agréable pour la pratique. Et c’est comme ça que l’institut Vajra Yogini dans le Tarn, le monastère Nalanda ont vu le jour et puis, plus tard, le centre Kalachakra, à Paris.

A.G. : Est ce que les gens ont été réceptifs à la création de ces centres ? Quel accueil avez-vous reçu ?

Elisabeth Drukier : Au début, ils étaient un peu réticents car on était assimilé à une secte. Et puis, ces centres étaient surtout fréquentés par des gens qui avaient voyagé en Inde et qui voulaient continuer leur pratique en Occident. Et petit à petit, le travail de nos maîtres qui venaient en Occident, le travail de Sa Sainteté le Dalaï Lama avec le prix Nobel, ont rendu ses lettres de noblesse au bouddhisme tibétain et maintenant, des personnes de tous horizons fréquentent ces centres.

A.G. : Notamment le centre Kalachakra. Mais avant que vous nous en disiez un peu plus sur ce centre, qui est situé au cœur même de Paris, je vous propose de regarder ce reportage, tourné lors d’une séance de méditation.

[Reportage

A.G. : Comme tous les mercredis en début de soirée, Elisabeth Drukier s’apprête à diriger une séance de méditation. Une quarantaine de personnes sont attendues.

Elisabeth Drukier : La première chose à faire, quand on commence à méditer, c’est de comprendre pourquoi on veut méditer.

A.G. : La séance se poursuit par des questions, une manière pour chacun d’approfondir les enseignements du Bouddha

Ex : question sur l’aversion instinctive envers une personne ?

Elisabeth Drukier : Cette personne devient votre maître. Car justement elle provoque ce tumulte en vous. Aussi, vénérez la, mettez son image sur l’autel, elle va vous faire travailler de grandes qualités de patience, de résignation, d’amour…

Une heure et demie plus tard, il faut se quitter. Mais pour certains, le bénéfice de ces séances de méditation ne s’arrêtera pas là.

Cela apporte beaucoup de calme, une autre vision du monde dans lequel on vit, plus de force…

Reportage signé Aurélie Godefroy]

A.G. : Quelles autres activités propose le centre Kalachakra, en plus de ces séances de méditation ?

Elisabeth Drukier : Nous proposons des programmes d’enseignement sur la philosophie bouddhiste tibétaine, des enseignements approfondis, des programmes sur cinq ans où nous étudions les textes philosophiques, nous les discutons et nous méditons dessus. Nous avons également tout un programme de découverte du bouddhisme ouvert à des personnes plus nouvelles. Et nous avons un programme d’instructions sur la méditation et un programme sur les savoirs sacrés du bouddhisme, comme la peinture tibétaine, la médecine tibétaine. Nous avons l’accompagnement spirituel des personnes en fin de vie avec des pratiques très ciblées comme le Bouddha de la médecine.

A.G. : On le voit, c’est très vaste. Je crois aussi que vous organisez de temps à autre des rencontres œcuméniques ?

Elisabeth Drukier : Oui, c’est très important à notre époque de pouvoir dialoguer avec les autres traditions. Donc, très souvent, nous essayons de réunir les représentants de ces traditions sur des thèmes précis, comme l’accompagnement spirituel des personnes en fin de vie, sur la paix et nous avons aussi entamé un dialogue avec les protestants, le temple local dans le dixième arrondissement.

A.G. : J’aimerais que l’on revienne un instant sur la condition de femme qui est la vôtre dans le bouddhisme. Est-ce que, parfois, ce n’est pas trop difficile à gérer : être responsable de centre, enseigner, pour une femme ?

Elisabeth Drukier : Non, je ne rencontre pas de difficultés. Nos maîtres nous donnent autant de responsabilités que les hommes. Je me sens très à l’aise dans mon travail en tant que femme.

A.G. : Vous avez participé au congrès de Hambourg, l’année dernière, congrès qui s’est tenu sur l’ordination des nonnes dans le bouddhisme. Pouvez-vous nous rappeler quel en était l’enjeu ?

Elisabeth Drukier : Ce congrès a été voulu et programmé par Sa Sainteté le Dalaï Lama. L’enjeu était de restaurer la lignée d’ordination des moniales dans le bouddhisme tibétain.

Car les moniales peuvent prendre un niveau d’ordination inférieur, mais elles ne peuvent pas prendre un niveau d’ordination supérieur et devenir Guélongma (nonne pleinement ordonnée) comme les moines peuvent le faire. Cette lignée d’ordination a été interrompue lors de son passage d’Inde au Tibet. Sa Sainteté le Dalaï Lama a ce souci de restaurer cette lignée d’ordination et ce souci vient du fait que les moniales ne peuvent pas étudier certains textes comme le Vinaya et donc ne peuvent pas passer les examens pour devenir Guéshéma (docteur en philosophie) et par conséquent, ne peuvent pas enseigner. C’est vraiment dommage pour elles.

A.G. : Qu’est ce qui est ressorti de ce congrès ?

Elisabeth Drukier : Sa Sainteté le Dalaï Lama n’a pas voulu donner une conclusion trop hâtive. Il souhaite une consultation plus vaste, qui se passera à Dharamsala, en Inde. Les enseignants des grands maîtres de la tradition tibétaine seraient invités et à ce moment là, une sorte de concile serait réuni et une décision définitive pourrait être prise.

A.G. : Pouvez vous nous rappeler ce qu’il en est de la condition de la femme dans le bouddhisme, en général, toutes traditions confondues ?

Elisabeth Drukier : C’est vrai que pour mes sœurs tibétaines, il est très difficile d’étudier, puisqu’il y a tout un tronçon des textes philosophiques qu’elles ne peuvent pas aborder, dû au fait qu’elles ne peuvent pas avoir ce type d’ordination. Mais les choses sont en train d’évoluer. Sa sainteté le Dalaï Lama donne une forte impulsion et aujourd’hui, les moniales tibétaines peuvent étudier correctement dans les monastères. Elles reçoivent également beaucoup d’aide de la part des pays Occidentaux pour pouvoir se développer.

A.G. : D’après vous, en Occident, de quels enseignements du bouddhisme avons-nous le plus besoin car, grâce à vos voyages fréquents, vous voyez la différence entre les enseignements dispensés là-bas et ceux dont on a peut-être besoin en France ?

Elisabeth Drukier : Il me semble qu’il est très important d’insister sur deux facettes de l’enseignement du Bouddha. En premier, il est important d’insister sur le fait que le bouddhisme est une religion de responsabilité. Les gens sont responsables de leur devenir : en créant certaines causes, on va vivre certains résultats. C’est la loi de causalité. Donc, la liberté est ici, maintenant, entre nos mains. C’est vraiment important de démystifier le fait que le bouddhisme n’est pas un déterminisme. Et en second, j’insisterais sur l’importance du potentiel humain dans le bouddhisme, c’est-à-dire tout ce qu’on peut faire avec cette renaissance humaine, tout ce qu’on peut devenir, grâce à ces graines d’éveil que nous avons tous en nous et que nous avons la possibilité de développer. Cela, c’est pour lutter contre une image dévalorisée que l’Occidental a de lui-même.

A.G. : Je crois qu’à un moment donné de votre vie, vous êtes retournée dans la vie laïque, vous avez été institutrice. Comment l’avez-vous vécue ?

Elisabeth Drukier : J’ai essayé de vivre cette période de ma vie comme une pratique, puisque être dans la vie active, c’est aussi pouvoir pratiquer ces grandes qualités que prône le bouddhisme comme la patience avec les enfants, comme l’amour, la compassion et j’ai essayé au maximum de mes possibilités d’agir dans la vie en tant que bouddhiste.

A.G. : Avez-vous une idée de ce que vous auriez fait, si vous n’aviez pas rencontré le bouddhisme ?

Elisabeth Drukier : C’est vraiment très difficile à imaginer, car toutes ces années de pratique font qu’on développe une certaine forme de vigilance, et pouvoir imaginer ma vie sans cette vigilance m’est vraiment difficile.

A.G. : Vous allez souvent à Dharamsala. Qu’est ce que, vous, vous retenez de ces enseignements auprès du Dalaï Lama ?

Elisabeth Drukier : Pour moi, il me semble très important de suivre les enseignements de Sa Sainteté le Dalaï Lama et il est très important pour moi de passer du temps en sa présence et de suivre ses enseignements, autant que le temps me le permette bien sûr. Aller en Inde est aussi une grande source d’inspiration, aller dans ces lieux sacrés où le Bouddha s’est éveillé, où le Bouddha a enseigné.

A.G. : Est-ce que le centre Kalachakra en France va lancer certaines sessions de retraite ? Avez-vous des projets ?

Elisabeth Drukier : Oui, nous avons le projet d’installer, pas très loin de Paris, un centre de retraite où les gens pourraient faire de longues retraites, chose qui est difficile à Paris. Et le besoin de méditer est très important. Les personnes qui fréquentent le centre ont ce besoin d’intégrer par la méditation les enseignements du Bouddha. Donc nous avons à cœur de développer ce projet.

A.G. : Quelles différences y aura-t-il par rapport au centre que vous avez créé en ville ?

Elisabeth Drukier : L’environnement sera beaucoup plus propice à la méditation : le silence, la campagne, les retraites de groupe, les gens qui résident sur place. Une retraite ne consiste pas seulement à s’asseoir sur un coussin. C’est toute la vie quotidienne autour, qui devient méditation, en retraite.

A.G. : Merci beaucoup, Elisabeth Drukier, d’avoir répondu à nos questions.


Livres présentés lors de cette émission :

Ma Voix pour la liberté

Ani Chöying Drolma

Editions : Pocket Spiritualités Editions

ISBN : 978 2 915056 66 2

Ani Chöying Drolma et une jeune nonne népalaise et elle a un don extraordinaire : sa voix. Elle chante et sa musique sublime traverse les frontières. Mais elle met ce don au service des autres et a pu ainsi fonder en quelques mois, une école qui ne cesse de s’agrandir, afin d’aider toutes les petites filles menacées par la violence des hommes. Violence qu’elle connaît bien , ayant été elle-même maltraitée dans une extrême violence tout au long de son enfance.
Un récit puissant et émouvant. Une source d’inspiration et une leçon de vie au service des autres.


Dompter son esprit

Lama Thoupten Zopa Rinpoché

Editions : Vajra Yogini Editions

ISBN : 2 911582 02 0

Malgré tous nos efforts pour obtenir le bonheur, nous sommes néanmoins insatisfaits. Il est donc fondamental de s’interroger sur ce qu’est le bonheur et comment l’atteindre. Ce livre commente Ouvrir la porte du Dharma, un texte écrit au Xvème siècle par Lodreu Gyaltsen, un yogi tibétain. Si ces conseils dont la source remonte au Bouddha Sakyamuni, il y a plus de 2500 ans, nous sont encore adaptés, c’est parce que le bonheur est dans l’esprit.

Agé de 20 ans, Lama Zopa découvrit Ouvrir la porte du Dharma dans la grotte de son incarnation précédente dans les Himalayas. Moine bouddhiste, il est aujourd’hui le guide spirituel de milliers de personnes de par le monde et quiconque l’a rencontré, sait qu’il dédit chaque instant de sa vie, nuit et jour pour autrui. C’est pourquoi, il surprit son auditoire lorsqu’il déclara que ce n’était qu’après avoir lu ce texte qu’il comprit le sens véritable de la pratique spirituelle.

" Tout le problème réside dans le fait que nous ne sommes pas conscients de la réalité des choses. Tout comme une drogue ou des champignons hallucinogènes, les conceptions erronées font que notre esprit est halluciné… Ceux qui récitent beaucoup de prières, des millions de mantras toutes la journée, perdent leur temps s’ils oublient de protéger leur esprit. L’esprit est la source de la souffrance et du bonheur. Si vous négligez de protéger votre esprit, vous ne pourrez pas fermer la porte de la souffrance et ouvrir la porte du bonheur. Chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde est un moment de décision, de préparation. Tant que notre mort ne se manifeste pas, chaque jour, à chaque heure, à chaque minute, à chaque seconde, vous êtes libre de choisir."


Conseils d’une amie pour des temps difficiles

Pema Chödrön

Editions : Pocket Spiritualités Editions

ISBN : 978 2 266 12330 3

Quand tout s’effondre, quand le sol semble s’effriter sous nos pieds et que l’on se sent totalement déstabilisé, Pema Chödrön nous invité à ne pas fuir et à ce pas se voiler les yeux. Dans ce livre simple et profondément positif, Pema Chödrön nous propose des méthodes concrètes pour inverser nos schémas négatifs et surmonter les doutes et les crises.


Présentation : Aurélie Godefroy

Réalisateur : Claude Darmon