« Site de Vincennes »

Historique de la Grande Pagode

« La Grande Pagode », aujourd’hui siège de l’Union Bouddhiste de France par une convention contractée avec la Ville de Paris, est l’un des derniers vestiges des bâtiments édifiés lors de l’exposition coloniale de 1931 (asiatique et africaine). Elle n’est en effet autre que la case africaine dénommée « Pavillon du Cameroum », pavillon à charpente en bois construit en 1930 par les architectes Louis- Hippolyte Boileau et Charles Carrière.

De cette extraordinaire exposition, il ne subsiste de nos jours que le Musée des arts d’Afrique et d’Océanie, quelques trésors transférés au Musée du quai Branly, la statue de la France colonisatrice, Porte Dorée, ainsi que les pavillons du Togo et du Cameroun, l’abri des pirogues sur le site même, au 40 Route de la ceinture du lac Daumesnil.

Devant l’entrée du site fut érigée en 1971, une sculpture représentant un groupe de pèlerins zen, les « Pèlerins des nuages et de l’eau », œuvre du Japonais Torao Yazaki.

A l’intérieur de l’enceinte, avaient été construits pour l’exposition, un pavillon principal et cinq pavillons secondaires, œuvre des architectes Louis-Hippolyte Boileau et Charles Carrière. Les trois bâtiments cités plus haut subsistent aujourd’hui. Le Pavillon du Togo, qui est magnifique mais malheureusement dans un très mauvais état, est interdit au public par arrêté préfectoral.

Le bâtiment central haut de 28 mètres qui abrita de 1933 à 1971 le Musée des Industries du Bois de la Ville de Paris, devint la « Grande Pagode » en 1977, à la demande de Jean Sainteny, ancien officiel français au Cambodge, nommé Commissaire de la République pour le Tonkin en 1945, tout en demeurant (comme les autres bâtiments) la propriété exclusive de la Ville de Paris.

Effectivement, devant l’arrivée massive des réfugiés d’Asie du Sud-Est, il était plus que nécessaire de créer un lieu où ceux-ci pourraient se retrouver spirituellement et ne pas rompre leurs attaches avec leurs traditions, leur culture, leur religion. C’est ainsi que fut créé l’Institut International Bouddhique sous l’égide de la Ville de Paris. Les grandes fêtes bouddhiques dont le Vesak et Kathina sont célébrées dans ce lieu par de nombreuses communautés bouddhistes installées en France. Ces fêtes, en dehors des aspects communautaires et religieux, invitaient les Occidentaux à mieux connaître leur culture et tradition, inconnues ou presque dans les années 70, et opérer une rupture avec les préjugés et visions exotiques qui pourraient entretenir. Les fêtes respectent dans la mesure de possible le calendrier lunaire et se déroulent dans un climat très convivial et fraternel.

Sur la façade de la Grande Pagode figure désormais la Roue de la Loi, ou Dharma-chakra, la roue à huit rayons. Chacun des rayons correspond à un embranchement du Noble Sentier Octuple, ou atthangikamagga, qu’il faut suivre pour parvenir au nirvana, qui constitue la quatrième noble vérité du premier sermon, ou Dharma-Cakkkappavattana-Sutta prononcé par le Bouddha.

Une impressionnante statue du Bouddha

La Grande Pagode renferme une grande statue de Bouddha, haute de 10 mètres, œuvre du sculpteur yougoslave F. Mozès et réalisé en six parties dans les ateliers du peintre Miro à Paris. Cette statue impressionnante ne devait être assimilée à aucune école particulière du bouddhisme, à aucun véhicule ni aucun particularisme ethnique puisque la pagode avait vocation internationale. Cette statue, légèrement androgyne, fait le mudra de la méditation, le dhyana-mudra, ce qui symbolise la communauté des personnes qui suivent l’enseignement de Bouddha, le sangha.

Dans le même bâtiment, il est possible de découvrir différentes représentations de Bouddhas et de bodhisattvas, notamment Avalokiteshvara, bodhisattva de la compassion, appelé Tchenrezi au Tibet et - sous une forme féminine - Guanyin en Chine et Kannon au Japon.

Kagyu Dzong

Il existe sur le site un petit temple tibétain, traditionnel, édifié en 1985, conçu par l’architecte Jean-Luc Massot (qui construisit également le temple des 1000 Bouddhas en Bourgogne) selon les instructions de Kalou Rimpoché, grand maître tibétain décédé en 1989.

Ce temple d’architecture bouthanaise montre cependant les caractéristiques propres aux édifices tibétains. Notamment les quatre piliers du devant du bâtiment symbolisent les « Quatre Nobles Vérités » énoncées par le Bouddha au Parc des gazelles à Sarnath près de Bénarès et la marquise qui surplombe l’entrée rappelle la prééminence du spirituel sur le matériel. La flèche qui s’érige au-dessus du temple est le symbole de la vacuité, notion essentielle dans le Mahayana, ou grand véhicule, auquel s’affilie le bouddhisme implanté au Tibet depuis le VIIe siècle. Sur la façade s’insère également le Dharma-chakra entouré de deux gazelles, pour symboliser le premier Enseignement du Bouddha.

Le site de Vincennes

Le site de Vincennes est un symbole de deux événements majeurs qui ont marqué de façon très importante histoire de l’humanité. Ce fut l’établissement de régimes dictatoriaux en Asie du Sud-Est, d’où l’afflux massif de réfugiés en France, issus de ces pays à compter des années 70, et plus avant l’invasion du Tibet par la Chine en 1950, ce qui a permis paradoxalement à l’Occident d’entrer en contact avec le bouddhisme tibétain.

Jean Sainteny

L’initiateur de la Grande Pagode de Vincennes naît le 29 mai 1916 au Vésinet. Bien que d’apparence réservée, c’est un homme de ferveur. Il fait une carrière bancaire à Saïgon et à Haïphong. Lorsqu’éclate la Deuxième Guerre Mondiale, il s’engage dans l’aviation de reconnaissance. Dès l’automne 1940, en Basse- Normandie, il rassemble ceux qui vont combattre pour la liberté du pays. Il organise des évasions et conduit de nombreux volontaires qui rejoignent les Forces Françaises Libres. Il est l’un des chefs les plus importants du réseau de résistance « Alliance » au début de 1942. Arrêté en 1943, il s’échappe mais et repris par la Gestapo au mois de juin 1940. Il est torturé et cependant il réussit à s’évader.

Chef de la mission militaire française en Chine en 1945, commissaire de la république pour le Tonkin du Nord, il négocie en mars 1946 avec Hô Chi Minh. Il est délégué de la France au Vietnam du Nord de 1954 à 1956 et rejoint aussitôt « l’Association nationale pour l’appel au Général de Gaulle » en mai 1958. Commissaire général au tourisme, député UNR en 1961, il est Ministre des Anciens Combattants dans le deuxième cabinet Pompidou et participe ainsi par son soutien constant à l’œuvre de redressement national mené par le Général De Gaulle. Membre du Conseil Constitutionnel, gouverneur honoraire des colonies, il joue un rôle dans les négociations entre les États-Unis et le Vietnam du Nord comme l’un des meilleurs experts des problèmes d’Extrême Orient. Fraternel, il se consacre à partir de 1975 à l’accueil et à l’intégration des réfugiés indochinois en France. Il meurt le 25 février 1978. Jean Sainteny était grand officier de la Légion d’honneur.

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