Émission diffusée le 14 octobre 2007

Extraits de l’émission

Aurélie Godefroy : Cette émission est consacrée spécialement à la Birmanie. Nous nous retrouvons à la grande pagode du bois de Vincennes, qui a été crée en 1975, à l’époque où les diasporas du Sud-Est Asiatique sont venues trouver refuge, notamment en France. C’est de ce lieu historique et hautement symbolique que nous allons essayer de comprendre l’action des bouddhistes, ici, en France, la façon dont ils réagissent, dont ils agissent, en faveur de la Birmanie. Quelle peut être leur approche ? Quelle peut être leur attitude ? Quelles actions ont déjà été menées, de quelle manière ? Et surtout, comment, maintenant, pouvons nous essayer d’aider le peuple Birman ? Tous ces sujets, nous allons les aborder avec nos deux invités qui sont deux membres de l’UBF : son président, Olivier Wang-Genh et son vice-président, le Vénérable Chandaratana.

Olivier Wang-Genh, bonjour. Je viens de le dire, vous êtes président de l’UBF, et un ancien disciple de maître Deshimaru. Vous êtes vous-même maître Zen, et vous dirigez le temple zen d’Alsace. Merci infiniment d’être avec nous aujourd’hui pour nous apporter vos éclaircissements.

Vénérable, bonjour. Vous êtes responsable du centre bouddhique international, à la pagode Sri Lankaise du Bourget et je vous remercie infiniment d’être avec nous aujourd’hui pour nous apporter votre éclairage sur la situation telle qu’elle est en Birmanie. Vous le savez, depuis plusieurs semaines, le peuple Birman et la communauté monastique sont victimes de la répression de la junte militaire. Difficile de vérifier le nombre de victimes, tant les accès à l’information sont compliqués, contrôlés, voire même bloqués. Alors, deux mille arrestations, selon la junte militaire en Birmanie, quatre mille selon l’opposition. On a tous en mémoire ces images de moines descendant dans la rue, leur robe safran, entourés et protégés par la population locale. Alors justement, vénérable, j’aimerais vous interroger sur ce sujet, puisqu’en fait vous connaissez bien le problème, vous êtes vous-même Sri Lankais, je le rappelle, est ce que vous pouvez nous rappeler comment la population locale en Birmanie est liée à la communauté monastique ? En fait, les moines font vraiment parti du tissu social là bas, c’est très important de le préciser ?

Vénérable Chandaratana : Oui, la Birmanie est particulièrement un pays bouddhiste. Il y a 85 % de bouddhistes, il y a à peu près 400 à 500.000 moines. En comparant les autres pays bouddhistes, Shri Lanka, Thaïlande, Laos, et Cambodge, c’est un pays Theravada. Alors que nous avons presque perdu notre spiritualité, la Birmanie garde encore sa valeur de spiritualité.

A.G. : En plus il faut rappeler que le bouddhisme en Birmanie est très proche du bouddhisme originel ? C’est un bouddhisme très pur ?

Vénérable Chandaratana : C’est un pays qui pratique les textes originaux du Bouddha et en même temps, il y a un respect très profond pour les moines. Les moines prennent leur robe en disant : sacrifice à vie, offrir toute sa vie pour les autres. Les laïcs, les fidèles offrent les quatre choses nécessaires aux moines. Les moines ont le droit de soutenir le peuple, c’est pour cela qu’un millier de moines est descendu dans la rue, pour sauver le peuple.

A.G . : Olivier Wang-Genh, c’est vrai qu’en Occident, on a une image du moine avec une vie extérieure à la vie sociale. La Birmanie nous montre un aspect différent de cette façon d’agir des moines. Est-ce que c’est conforme à l’enseignement du Bouddha ?

Olivier Wang-Genh : Je crois que toute attitude, tant qu’elle est orientée vers le bien des êtres, est conforme à l’enseignement du Bouddha. L’enseignement du Bouddha, c’est d’exprimer à la fois une sagesse dans ses actions, dans ses paroles, dans ses pensées et de la compassion. Donc, des actions, des paroles, des pensées qui sont tournées vers les autres, c’est cela l’enseignement du Bouddha.

A.G. : Vénérable, vous avez commencé à l’évoquer tout à l’heure, mais j’aimerais qu’on y revienne un peu, cela semble assez difficile dans un pays comme la Birmanie, d’allier la lutte contre le pouvoir en place, et de garder cette spiritualité vivante, telle qu’elle est en Birmanie ?

Vénérable Chandaratana : Oui, si on parle du régime militaire, c’est difficile à changer parce qu’il y a des pays qui soutiennent les dirigeants de la Birmanie. Mais c’est pour cela aussi qu’il faut toujours pratiquer les actions non violentes , pour changer l’esprit militaire. En même temps, le gouvernement actuel en Birmanie ne respecte pas les cinq préceptes.

A.G. : Revenons à ces actions en France, puisqu’elles sont nombreuses. La semaine dernière, notamment, on a assisté à pas mal d’événements à travers la France, c’était le cas à Strasbourg. On vous voit sur ces images, Olivier Wang-Genh, c’est vous-même d’ailleurs qui avez organisé cette manifestation, comment est ce que vous l’avez vécue ?

Olivier Wang-Genh : J’ai trouvé que c’était une manifestation qui rassemblait toutes les communautés bouddhistes d’Alsace, et qui était vraiment centré autour du silence et du recueillement. Le Vénérable vient de parler de l’aspect non violent, et je pense que c’est vraiment un des fondements du bouddhisme, de l’enseignement du Bouddha. Simplement, je crois que pour le grand public, souvent la non violence des bouddhistes a tendance à s’exprimer comme une espèce d’inaction, d’un désintérêt et cela est une grave confusion. Il y a beaucoup d’expressions possibles pour la non violence et notamment la méditation, le silence, l’immobilité sont des aspects très importants de cette non violence.

A.G. : J’aimerais que l’on regarde un reportage, qui a été tourné ici même, dans cette grande pagode. C’était samedi dernier.

-« Le bouddhisme, c’est chaque jour, chaque instant, chaque souffle, qui doivent nous rappeler à la compassion. »

Ambiance paisible en cette matinée d’octobre à la pagode de Vincennes, où se déroule, à l’initiative de l’UBF, une journée de prière dédiée à la Birmanie. La rose jaune de la solidarité est de rigueur, car toutes les lignées se sont données rendez-vous aujourd’hui : theravada, zen sôtô et vietnamien, tibétaine. Toutes les couleurs du bouddhisme français sont présentes. Les roses défilent jusqu’aux pieds du plus grand Bouddha d’Europe et, toujours sous son regard, la cérémonie commence.

Conclusion

On oublie beaucoup trop que le visible n’est qu’une partie de cette réalité et notamment dans l’aspect religieux, spirituel de notre vie. Evidemment, nous pouvons exprimer énormément de choses à travers la méditation, les cérémonies qui sont pratiquées chaque jour dans toutes les communautés bouddhistes du monde et qui sont toujours dédiées. C’est-à-dire que les cérémonies ne sont pas faites pour les moines qui les font. Ces cérémonies sont toujours dédiées, bien entendu pour le Bouddha, pour les fondateurs de notre école, mais aussi pour une cause précise et notamment pour les êtres vivants, pour apaiser cette souffrance. C’est vraiment une action.

Présentation : Aurélie Godefroy

Réalisateur : Claude Darmon

Remerciements à Madame de Mareuil pour sa précieuse collaboration à la rédaction de la transcription de l’émission.