1977

Discours de M. Jacques Chirac, Maire de Paris

Discours de Monsieur J. Chirac, Maire de Paris, lors de l’inauguration de la Grande Pagode en 1977

Messieurs les présidents, Mesdames, Messieurs

S’adressant à M. Jean Sainteny, Président de l’Institut International Bouddhique :

Vous avez su excellemment rendre hommage à ceux qui depuis des années se sont faits les promoteurs d’un projet qui reçoit aujourd’hui sa juste consécration, et ce m’est une particulière satisfaction, en raison du rôle que la Ville de Paris a joué et que vous avez rappelé, de présider à l’ inauguration du Centre cultuel et culturel bouddhique, tout à la fois sanctuaire et haut lieu de la pensée et du rayonnement bouddhique dans nous notre pays.

Vous avez nommé les hautes personnalités qui, dans l’Etat, ont pris à cœur la réalisation de ce projet et vous avez cité le Président Georges Pompidou. Laissez moi lui rendre le témoignage que justifient l’équité et la reconnaissance, car il a su faire admettre que la France, par vocation terre d’accueil, d’amitié et de tolérance, se devait de prendre en faveur des adeptes de la doctrine bouddhique, une initiative, celle-là même qu’aujourd’hui nous célébrons avec éclat.

Due votre humilité en souffrir, permettez moi de joindre aux noms des personnalités que vous avez citées, mon cher Président, le vôtre, car sans votre inébranlable obstination, tous ces efforts conjugués, n’auraient pas reçu l’impulsion décisive sans laquelle les plus belles idées ne prennent jamais racine.

Vous avez dit que cette fondation représente un événement sans analogue dans le monde. L’originalité de l’entreprise provient en effet de ce que toutes les écoles du bouddhisme vont désormais trouver un sanctuaire qui, respectant chacune de leurs traditions propres, les rassemblera dans un même lieu, sous un même toit, dans une hospitalité spirituelle et fraternelle sans frontières. Dans cette circonstance exceptionnelle, je me plais à souligner que Paris, une fois de plus, a su donner l’exemple, le faisant à la manière de la France, c’est-à-dire sans arrière-pensée, dans l’unique souci de service et de respect dû à l’égard de tous ceux, quelle que soit leur origine, qui, résidant dans notre pays, professent la doctrine du Bouddha.

Ainsi, le message immémorial de l’Orient est-il désormais présent et accessible au cœur de notre capitale. Qui donc pourrait s’en offusquer ou s’en plaindre ? Il ne s’agit certes pas de tomber dans un syncrétisme facile qui ferait peu de cas des structures propres de deux pensées dont les différences sont évidentes, mais de tirer profit d’une confirmation spirituelle enrichissante, car je crois, avec René Grousset que vous avez évoqué tout à l’heure, que l’Occident aurait tort de se priver de certaines des leçons du Bouddhisme.

L’Orient il est vrai a toujours exercé une sorte de fascination sur l’esprit occidental et l’évolution trop exclusivement technicienne, voire matérialiste, de notre civilisation industrielle a pu susciter un regain d’intérêt perceptible depuis quelques années. Mais nous nous sommes trop souvent arrêtés aux traits superficiels de poésie et de mystère des mythes de l’Inde ou de la Chine auxquels un homme comme Michelet semble avoir été sensible.

Les vertus propres du bouddhisme engagent l’homme à chercher la réalité ineffable derrière les apparences, qui le conduisent par la pratique de la sagesse, de la douceur, de la piété, vers un dépassement libérateur.

Nos deux civilisations apportent leur contribution originale à l’intelligence des mystères de la vie et de l’être. Je souhaite que le centre bouddhique inauguré aujourd’hui, devienne un des carrefours privilégiés où, sans se mêler ni se fondre, les apports décisifs venus de l’Occident et de l’Orient, puissent être confrontés dans un esprit de réelle sympathie et de compréhension, et qu’ils témoignent pour l’homme, sa dignité et sa grandeur.

La France a entretenu, elle entretient toujours, avec l’Extrême-Orient, des relations privilégiées. Elles sont notamment le fruit d’une longue histoire, celle de notre amitié avec les peuples de l’ancienne Indochine. Je voudrais saisir cette occasion pour leur dire combien nous nous sentons proches d’eux dans les épreuves subies, combien nous voudrions pouvoir plus les aider, les secourir, les réconforter. Nombre d’entre eux sont chrétiens ; L’église est en effet présente dans leur pays depuis le XVII siècle et elle a su se fondre dans l’âme et la conscience de leurs peuples. En France, ils trouvent des églises où prier en communion avec leurs frères dans la Foi, mais la majorité d’entre eux appartient à l’antique religion bouddhique. Ce sanctuaire qui sera bientôt consacré, leur ouvre les portes d’un lieu de méditation, de recueillement et de paix auquel eux aussi avaient droit dans Paris.

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